lundi 29 décembre 2014

Les clefs du succès


Nous sommes en 1940, le contexte social et politique est marqué à l’échelle planétaire par la Seconde Guerre mondiale de 1939-1945. La France vient de signer un armistice avec l’Allemagne et mène une politique de collaboration. Antoine de Saint-Exupéry, pilote militaire,  s’exile aux Etats-Unis pour être hospitalisé suite à de nombreuses fractures et autres blessures de guerre.
Il est déjà connu en tant qu’auteur notamment avec son œuvre Vol de nuit datant de 1931. En 1942, il publie Pilote de guerre et une année après il publie l’ouvrage qui fera de lui un illustre auteur : Le Petit Prince. Le récit devint évidemment célèbre mais les aquarelles de l’auteur le devinrent elles-aussi. La première édition française du Petit Prince avec des aquarelles de l’auteur sera publiée en France aux éditions Gallimard, après la mort de l’auteur (1944), en 1946.
La confection du Petit Prince reste un mystère encore de nos jours même si beaucoup de théoriciens passionnés et spécialistes du sujet apportent plusieurs explications.
La plus plausible serait que lors de l’exil aux Etats-Unis d’Antoine de Saint-Exupéry, suite à la lecture du conte d’Andersen, La Petite Sirène, il décide d’écrire un conte. Un soir, alors qu’il dînait avec un ami éditeur, Eugene Reynal, celui-ci vit un des croquis de Saint-Ex représentant un enfant blond ailé et lui propose d’écrire son nouveau livre à partir de cela. Saint-Ex s’acheta des aquarelles et suite à un dur labeur nocturne qui dura une longue année, le Petit Prince fut publié en  1943.
L’histoire est un conte merveilleux et poétique destiné aux enfants. Mais vu la portée philosophique de l’ouvrage, c’est également une lecture pour adulte.
Le conte est écrit d’une manière très vulgarisée ce qui le rend facile à lire et à comprendre. De plus les aquarelles attirent les jeunes ou bien les très jeunes enfants.
L’histoire est contée à la première personne du singulier, le narrateur est interne, nous découvrons les paysages, les sentiments ou les états d’âmes des personnages en même temps que lui.
Le livre commence avec un souvenir d’enfance du narrateur, concernant un dessin ainsi que la non-compréhension des « grandes personnes ». Puis un récapitulatif de la vie du narrateur devenu un pilote et donc une « grande personne » ainsi que son opinion sur ces dernières. (1)
Enfin, l’histoire commence.
Le narrateur se trouve dans le désert du Sahara à cause d’une panne de son avion. Il est seul avec peu de vivres mais très vite un autre personnage fait son apparition, un enfant qui lui demande : « S’il vous plait. . . Dessine moi un mouton ! », c’est le Petit Prince. (2)

C’est un  enfant aux cheveux blonds, tombé du ciel, rempli de curiosité et de mystères. Une relation forte se crée entre les deux personnages.
Le Petit Prince parle de sa planète, l’astéroïde B 612 où il arrache des baobabs et où il ramone des volcans, «il faut faire soigneusement la toilette de la planète ». En plus de ces activités, le Petit Prince regarde des couchers de soleil, il confie  au narrateur : « Un jour j’ai vu le soleil se coucher quarante-quatre fois ! ». (3)
Également le Petit Prince raconte au pilote, qu’il a assisté à la naissance d’une fleur miraculeuse, de toute beauté mais prétentieuse et exigeante. Il fut rempli d’amour pour elle mais la magnifique fleur était épineuse, en effet elle était prétentieuse et exigeante.  Alors le Petit Prince étant très malheureux, un matin décida de partir de sa planète pour se faire des amis. Il visita six planètes et rencontra différents personnages pour arriver jusqu’à la septième planète : la Terre.
L’auteur défini une histoire d’un pilote tout comme lui. Ce conte est autobiographique. Le narrateur est Antoine de Saint-Exupéry lui même. 





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« Lorsque j’avais six ans j’ai vu, une fois, une magnifique image, dans un livre sur la foret vierge qui s’appelait Histoires vécues. » (5)

Telle est la première phrase du conte Le Petit Prince.
Dès cette première phrase il y’a une idée d’universalité avec le titre du livre Histoires vécues.
Le succès du petit prince est dû à cette notion de général, d’universalité. En effet, premièrement le livre est destiné à un public de tout âge, de la naissance au troisième âge en passant par l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte.
La lecture est vulgarisée est facile à comprendre. Les aquarelles de l’auteur sont attrayantes, aux couleurs pastelles et douces ce qui renforcent le côté enfantin mêlé à l’artistique.
Les thèmes abordés sont des thèmes généraux, humains, universels.
Les thèmes sont l’amour, l’amitié, la mort, tous les êtres humains, de tout âge et de tout horizon confondu sont concernés par ces thèmes.
L’amour est très présent dans le conte, avec la relation du Petit Prince et de sa rose. C’est un élément déclencheur de l’histoire puisque c’est à cause de l’amour qu’il portait à sa rose que le Petit Prince l’a quittée et donc a quitté sa planète et a atterri sur Terre. L’amour que porte l’enfant à sa fleur rouge est un amour passionnel, mais destructeur, le Petit Prince s’est rendu malheureux d’avoir tant aimé cette fleur. L’amour malheureux ainsi que ce qui en découle, les disputes, les séparations sont des choses très présentes chez tous les êtres humains, ainsi que la douleur d’être loin de l’être cher :
 « Je n’ai rien su comprendre ! J’aurai dû la juger sur les actes et non sur les mots. Elle m’embaumait et m’éclairait. Je n’aurais jamais dû m’enfuir ! J’aurais dû deviner sa tendresse derrière ses pauvres ruses. Les fleurs sont si contradictoires. » (6) Ici, le Petit Prince culpabilise d’avoir quitter sa rose. Cette une expérience peut arriver à n’importe quel Homme sur Terre ce qui rend réaliste le conte et le rapproche du lecteur.
L’amitié également est présente dans l’histoire. Elle apparaît sous différentes formes. Tout d’abord la quête du Petit Prince de se trouver des amis. Premièrement il se heurte au serpent, à l’écho et au jardin de roses, pour ce dernier il éprouve d’ailleurs de l’indifférence, le contraire de l’amitié. Puis il rencontre le renard. Le renard ne lui parle pas d’amitié mais plutôt de s’apprivoiser. Lorsque le Petit Prince lui demande ce que veut dire apprivoiser le renard répond :
-« C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des liens. . . 
-Créer des liens ?
-Bien sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde. . . »(7)
La définition si poétique de l’amitié de Saint-Ex touche le public ayant quelque peu de sentiments.



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         Le troisième thème est le thème plus intéressant car il le thème le plus implicite. La mort est très présente dans le Petit Prince. La mort est représenté par un animal : le serpent. Le conte étant destiné aux enfants, le mot « mort » apparaît plusieurs fois mais l’acte en lui même de mort est un euphémisme. Aux jeunes enfants, les adultes ne disent pas « il est mort » mais bien « il est monté au ciel » ou « il s’est éteint ». Ici, nous pouvons faire un rapprochement avec ces images car le Petit Prince est remonté sûr sa planète et il n’a plus de lumière sur Terre, plus de crinière blonde ou de sourire enjôleur.
La mort dans l’histoire est très mystérieuse, nous pouvons l’interpréter de plusieurs façons. Le serpent est le premier être vivant que le Petit Prince rencontre quand il arrive sur Terre, le Petit Prince est désemparé et lorsqu’il demande au serpent pourquoi s’exprime t’il qu’avec des énigmes, le serpent lui répond : « Je les résous toutes. » (9)
Résoudre une énigme c’est résoudre un problème, contextuellement ce serait mettre fin aux soucis du Petit Prince. Nous pouvons penser que le Petit Prince a tenté de mettre fin à ses problèmes en se laissant mordre par le serpent.
L’acte de mort se déroule comme cela : « Il hésita encore un peu, puis se releva. Il fit un pas. Moi je ne pouvais pas bouger. Il n’y eut rien qu’un éclair jaune près de sa cheville. Il demeura un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Ça ne fit même pas de bruit, à cause du sable. » (10)
Le Petit Prince est mort, d’une mort poétique et rapide mais le sentiment de tristesse est présent chez tous les lecteurs.


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Les trois thèmes présents dans le conte sont les plus grands secrets de la vie chez les êtres humains, le Petit Prince les a découverts tous les trois, de manière cyclique et a succombé au dernier. Le succès de l’histoire et que les péripéties à la fois merveilleuses évoquent chez le lecteur des sentiments très réalistes qui touchent absolument tout le monde.
Emmanuel-Yves Morin analyse cela dans l’Ésotérisme du Petit Prince : « Certains enfants trouvent ça trop poétique, les plus réceptifs sont ceux qui sont un peu sentimentaux, et qui aiment les contes de fées. En revanche, c'est pour tous les adultes. Mêmes les plus matérialistes sont touchés. Saint-Exupéry dit d'ailleurs qu’il a voulu écrire un conte qui paraitrait sérieux pour des gens qui sont restés jeunes » ou bien encore « Le Petit Prince touche absolument tout le monde. On s’identifie au personnage, comme on s’identifiait aux cowboys, ou aujourd’hui aux mangas, mais là c’est plus universel, parce que tout le monde peut se prendre pour Le Petit Prince » (12)

Le livre a actuellement 71 ans, il a traversé soixante-dix décennies sans pour autant vieillir, il pérennise son succès au fil des ans. Cela grâce aux célèbres aquarelles de l’auteur ainsi qu’à une histoire merveilleuse et philosophique, remplie d’espoir, abordant les thèmes universels qui émeuvent : l’amour, l’amitié, la mort mais avec douceur et poésie pour le plus grand bonheur des petits et grands.

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